Anonyme
a écrit le 9 mai 2021
à
23h03
Copie du courrier adressé à Monseigneur Jacolin, à paroles de victimes et à la CIASE
Pourquoi maintenant ?
Pourquoi en effet après plus de cinquante ans éprouver le besoin de revenir sur ce que j’ai vécu ? Peut-être parce qu’il en est à nouveau question sur les ondes aujourd’hui et que je pense qu’il est important que mon témoignage puisse être pris en compte et soit « comptabilisé » pour mesurer un peu plus précisément encore l’ampleur de ce drame… Peut-être encore, je réalise enfin qu’en référer à l’Église puisse m’apporter un certain apaisement ?Qu’importe. Je ressens ce besoin maintenant et peut-être n’est qu’ensuite que j’en évaluerai l’intérêt.
Je suis âgé de 65 ans, retraité depuis 4 ans, divorcé, père de trois enfants. J’ai exercé mon activité professionnelle dans (texte supprimé par d'administrateur)
De 1967 à 1970, j’ai fréquenté le Petit Séminaire de Chavagnes en Paillers. J’y suis entré en sixième à l’âge de 12 ans et sorti trois années plus tard à l’issue de la quatrième. J’y reviendrai dans un second temps car j’ai été victime de pédophilie avant, vers l’âge de 8-9ans.
En effet, je suis né à Maillé en Vendée où est arrivé aux alentours des années 1965 un certain Frère Bernard qui exerçait auparavant son Ministère à Maillezais, petite commune située à 6 Kms. Est-ce pour les mêmes agissements dont j’allais être victime qu’il en avait été éloigné, je ne l’ai jamais su. Pour la première fois donc de mon existence , j’ai fait l’expérience de relations physiques contraintes et réitérées durant plusieurs années par un homme, religieux de surcroît sur un enfant, moi. Baisers, caresses intimes. Victime donc de pédophilie, mais comment nommer une chose dont on ignore l’existence ?
Mais ce religieux n’a pas été le seul à « s’intéresser » à moi puisque dans le même temps sillonnait la Vendée aux fins de « détection » de vocations un dénommé Chanoine ou Monseigneur Arnault. Je ne sais plus comment on nous demandait de l’appeler. Après un premier repérage où pouvait apparaître un certain intérêt pour une vocation sacerdotale, (ou déjà une attirance d’une toute autre nature de sa part),nous étions conviés à des retraites de 3 jours au Séminaire des Herbiers. Durant celles-ci, ce Chanoine utilisait une force de conviction assez surréaliste pour nous dire à quel points les pensées impures, les mauvaises pensées, les caresses... constituaient des comportements absolument interdits, prohibés par Dieu, par l’Église et que cela nous conduirait inéluctablement en enfer à notre mort qui pouvait intervenir au moment où nous nous y attendions le moins... à moins que, à moins que Dieu dans sa très grande Miséricorde nous accorde son pardon qui passait par une démarche de confession. Il m’est difficile d’exprimer à quel point ses prophéties furent pour moi génératrices d’angoisse, de nuits sans sommeil, moi qui avais de surcroît déjà vécu des histoires inquiétantes avec Frére Bernard ! Je dois ajouter que de nature très angoissé , je vécus tout cela de manière on ne peut plus perturbante, on ne peut plus inquiétante et que cherchant à échapper à l’enfer qui m’était promis, je demandai à recevoir le sacrement de la confession en m’adressant non pas à Monseigneur Arnault mais à l’un des deux autres prêtres qui encadrait la retraite. Je pense qu’il s’agissait du Pére Dieumgard qui m’orienta sans aucune hésitation vers le Monseigneur Arnault. Ce dernier m’accorda bien le pardon sollicité et me fit promettre de ne pas réitérer non sans, dans le même temps, procéder à des attouchements sur mes parties génitales afin de bien me montrer ce qu’il m’interdisait de faire tout en y procédant. Certes je fus surpris mais ne venais-je pas d’échapper à l’enfer dans le cas d’une mort imminente qui pouvait ainsi qu’il nous l’avait dit survenir à n’importe quel moment…
Malgré ces différentes expériences, je ne remis pas en question, malheureusement pour moi, ce projet d’entrer au séminaire bien qu’une certaine confusion se soit installée. Comment gérer le fait que des comportement interdits soit pratiqués par les mêmes qui les interdisaient et qui de surcroît symbolisaient ce à quoi j ‘aspirais ? Quelle cohérence ? Quelle incohérence ?
Mais finalement pas de quoi m’inquiéter vraiment plus, puisque faisant ma rentrée au Petit Séminaire de Chavagnes début septembre 1967, dès le premier soir, alors que vraiment cafardeux et plus au moins en pleurs je fus abordé par le Pére Cornuaud qui me faisant montrer dans sa chambre me couvrit de baisers, me demanda de l’enlacer… Ce fut la première et la dernière fois avec moi. Je fis assez vite l’expérience que le père Cornuaud n’était pas le seul à vouloir rassurer les enfants en détresse ! Je me trouvai à plusieurs reprises dans le dortoir où le Père Pidoux était surveillant. Ce dernier à l’extinction des feux avait pour habitude, lorsqu’il parcourait alors les allées dans la plus grande discrétion, de s’arrêter à mon lit pour des caresses des plus intimes qui se renouvelèrent des mois et des mois.
Devais-je donc vraiment m’émouvoir de ces comportements réitérés émanant de différents religieux et ce depuis des années et dans des contextes différents sachant qu’il ne m’était même pas forcément demandé de les taire ! De surcroît, nous n’en parlions pas entre nous. Je finis malgré tout par considérer qu’il y avait là un problème et alors que j’étais en quatrième, donc après plus de deux ans victime de ces comportements ( mais beaucoup plus si je remonte au départ) et alors même que j’avais quasiment pris ma décision de mettre un terme à mon parcours « sacerdotal » , je décidai de m’ouvrir de cela à mon Directeur de conscience depuis le début, à savoir le Père Bibard. Ce dernier insista sur le fait que mes déclarations étaient graves , me demanda de réfléchir… Ce que je fis et confirmai. Je pense alors qu’il en référa au Père Supérieur ( Dont je ne me souviens plus du nom) puisque l’année suivante le Père Pidoux partit fut nommé dans une paroisse (J’ai su par la suite que lui avaient été confiés des adolescents dans le cadre de l’action catholique ouvrière je crois!).
Avant même que je fasse part de ma décision de « Quitter le séminaire » on m’indiqua qu’il avait été décidé que compte tenu de mes fragilités, je ne pouvais pas poursuivre ma « démarche ». Ainsi fût il mis un terme à cette terrifiante histoire dans ces conditions.
Non seulement je ne fus-je pas reconnu en tant que victime mais quelque part sanctionné pour avoir dit la vérité en m’en faisant porter toute la culpabilité !
Voilà donc le résumé de ce que je voulais, en première intention faire connaître à votre commission pour la partie « factuelle».
Peut-être viendra un temps où je pourrai évoquer les conséquences dans mon histoire de vie personnelle, si tant est qu’elles soient claires. ..
Je vous remercie pour l’attention que vous porterez à mon témoignage.
Rédigé à xxx, le 21 février 2021.
Réponse d’administrateur par : adminjr
Merci de votre témoignage.
Les noms et les lieux que vous donnez nous sont hélas familiers et votre histoire est semblable aux dizaines de témoignages que nous avons reçus.
N'hésitez pas à nous contacter (zone : contact) si vous souhaitez vous entretenir de cette pénible expérience avec nous.
PS: dans un souci de confidentialité, nous avons enlevé de votre témoignage les éléments personnels.