Isabelle B-S
de
LYON
a écrit le 6 décembre 2023
à
21h37
Chers membres du collectif 85,
A Marie-Pierre, Raymonde, Gérard, Jean-Pierre, Gilles, Ghislaine...
A vous qui avez eu la force de témoigner,
A vous dont on aperçoit les visages dans ce reportage "Le prix d'une vie",
A vous qui avez préféré garder le silence,
A vous qui n'êtes plus là,
Et en pensant à toutes les autres victimes abusées au sein de l'Église,
Je vous remercie de m'avoir, nous avoir partagé votre vécu dans ce reportage que je reçois ce soir.
Je salue votre force de vie, votre authenticité, votre dignité, votre courage.
Je suis choquée d'avoir entendu le frère Claude Marsaud de la congrégation sensée "reconnaître publiquement toutes les victimes" parler de "délits" quand il s'agit de CRIMES (que la justice civile condamne à hauteur de 100 000€ à 150 000€). Le frère ajoute qu'il ne condamne pas les "personnes", juste les "faits". Il veut bien reconnaître les victimes mais pas les violeurs... Et puis que sont les faits sans les personnes ?!
Le seul juge étant Dieu : Non, il nous faut rendre à César et aux personnes abusées ce qui leur revient, et à Dieu ce qui est à Dieu.
Dieu condamne : l'Evangile nous demande de prendre soin des plus petits "ce que vous avez fait aux plus petit d'entre vous, c'est à moi que vous l'avez fait".
Avec une saine colère, Jésus chasse les marchands du Temple qui l'ont souillé. Le corps est le temple de l'âme, l'espace le plus sacré : Qu'aurait-il fait à la place de l'INIRR ?
La colère qui m'habite est du même ordre.
Je suis choquée de l'attitude de l'Église (dont je fais partie depuis que je l'ai choisie adulte il y a 26 ans) et de Antoine GARAPON faussement compatissant, théorisant les phases du parcours de victime, défendant face à Jean-Pierre l'équilibre de "son" "système". Les réponses de Jean-Pierre sont édifiantes mais absolument pas écoutées par M. GARAPON qui n'a pas la délicatesse de M. SAUVÉ. Il culpabilise Jean-Pierre, utilise des cas "plus graves" pour atténuer son préjudice et il menace par un "pas de partenariat", etc... C'est de la manipulation ordinaire...
Et voilà que la victime se retrouve à nouveau face à un système qui ne l'écoute pas.
Ce questionnaire aberrant pour une victime dont le trauma se réveille : plein de questions, auxquelles on ne peut répondre que par oui ou non pour ce que je peux en voir à l'écran et que je n'ai pas trouvé sur internet. Il est demandé à la victime de soupeser elle-même sa souffrance, de revisiter par le menu détail les effets de son trauma sur une échelle de 1 à 7.
Le marchandage de tapis pour mettre une note au préjudice subit me met dans un malaise, un écoeurement certain.
Le plafond arbitraire de 60 000€ par victime me fait bondir.
Il est vrai que le patrimoine de l'Église de France estimé à 8 milliards (comptes, placements, immobilier) selon Complément d'Enquête ne permettrait d'indemniser que 24 000 victimes...
Cette quantification passe à côté, il me semble, du réel besoin de reconnaissance, de comprendre ce qui s'est passé, d'être sûr qu'il est mis tout en oeuvre pour faire que cela ne recommencera plus.
Bravo à Jean-Pierre et à Gérard de ne pas avoir dit Amen. Leur argumentation est exemplaire.
Oui, Jean-Pierre, crions à nos enfants jusqu'à la 7ème génération que leur corps leur appartient.
Au final, oui, l'Église est la première à avoir pris les choses en main sur le sujet et j'espère qu'elle sera Lumière pour le monde par ce qu'elle a entrepris bien imparfaitement, arbitrairement. Le rapport CIASE transmis à la CIVIS a au moins fait bougé les choses.
Oui, la somme d'argent reçue n'est rien au regard de vos années de souffrance, d'errance. Elle ne représente qu'une petite partie de ce que vous avez perdu, payé suite au trauma et pour y survivre.
Elle symbolise néanmoins une reconnaissance et une forme de "compensation".
La réparation, votre restauration, vous appartient en propre.
C'est à vous de construire votre présent et votre avenir notamment avec l'argent reçu, et surtout d'abord vous-même, puis vos familles, vos proches, vos Frères et Soeurs devant l'épreuve.
"En rester là", c'est rendre à César ce qui lui appartient et aller de l'avant pour enfin vivre.
Je vous souhaite de retrouver l'enfant que vous étiez "avant" pour vivre votre vie en hommes et femmes debout,
Je garde vos visages d'enfant, d'adultes aujourd'hui devant mes yeux, dans mon coeur.
Je garde vos rires, vos sourires et vos mots de la fin.
J'aimerais juste vous demander comment ça va aujourd'hui, un an après ?
J'espère sincèrement que la vérité vous a rendu libres.
Bien à vous,
Isabelle
PS : Merci aux auteurs de ce documentaire tout en finesse qui m'a plus marquée que le Complément d'Enquête "Victimes.de l'église : l'impossible réparation".